Qui instrumentalise qui?

L’histoire de la censure de Ko Siu Lan aux Beaux-arts de Paris n’en finit pas de poser la question de « récupération » ou plus exactement de l’instrumentalisation. Dans cette pseudo affaire (qui a pourtant le mérite d’éclairer les affaires similaires passées ou à venir), il est nécessaire de chercher à savoir qui instrumentalise qui, dans quelle mesure et pour quels effets souhaités. Autopromotion (légitime) de l’artiste/de l’école par la voie rebattue du scandale, vendre de papier (« la nullité de l’art contemporain » fait toujours les choux gras de la presse), s’exciter (un peu) et s’offusquer (beaucoup) à moindre frais,… Pour le dire autrement, « A qui profite de crime ? ».

Pendant ce temps, se déroulait une journée d’étude initiée par la revue Marges (pour le coups, bibi fait de l’autopromo!) autour du thème « Exposition sans oeuvre« . Bien que la thématique choisie n’ait qu’un rapport lointain avec l’actualité médiatique liée à l’affaire Ko Siu Lan, la question de l’instrumentalisation (des œuvres/des artistes) par l’institution (musées, centres d’art, jeunes commissaires aux dents longues),  est souvent revenue sur le tapis. Et en écoutant les différents intervenants, il m’est venu un réflexion un peu cynique :

Grosso modo, dans le monde de l’art, tout le monde s’inquiète de la récupération et/ou de l’instrumentalisation ; jamais de la sienne en propre mais de celle des autres – des artistes et des œuvres – réputés peu prompts à se défendre contre cette « dérive ». Mais qui, au juste, s’offusque de cette instrumentalisation? Mon hypothèse (cynique) est que les discours contre les instrumentalisations sont généralement le fait de ceux qui ont réussi leur instrumentalisation (par l’institution ou le marché) ou celle des autres (par exemple, le commissaire d’expo qui « tord » un peu les œuvres pour les faire entrer dans son propos). Ainsi, malgré les postures affichées ici ou là, on peut dire que ce que recherche l’artiste (professionnellement parlant), c’est de réussir son instrumentalisation par une institution la plus performante possible, assurant ainsi à l’artiste visibilité et renommée.

Évidemment, cela ne les empêche pas de faire « comme si », de jouer à « celui qui ne mange pas de ce pain là », l’artiste (nécessairement) de l’autre coté (avec un peu de pratique du WOA et en décidant de ne pas être totalement de mauvaise foi, on se rend compte qu’il est impossible d’être « de l’autre coté » même ne serait-ce « qu’en marge »). D’où les intempestives crises de rire qui m’envahissent lorsque j’entends les (plus ou moins) stars du monde de l’art, suivies de près par leurs groupies, pousser dès cris de vierges effarouchées dès lors qu’on parle d’instrumentalisation de l’art.