Il y a fort fort lontemps dans le doux royaume de France, les foires d’art contemporain parisiennes se tenaient traditionnellement en octobre de chaque année. Puis il y eut les « off », puis les « off » des « off », puis les foires de printemps… Drawing Now fait partie de cette dernière fournée rythmant le joyeux marché de l’art parisien.

Malgré ce que laisse entendre le logo, il s'agit bien du "salon du dessin contemporain" et non du "Salon du gribouillage".

A l’heure où les barrières entre les médiums artistiques semblent être définitivement tombées, le principe de Drawing now parait quelque peu farfelu : exposer uniquement des « dessins ». Et finalement, la compréhension du terme « dessin » est bien s’élargir au vu de cette manifestation.

La tendance générale de cette sixième édition s’articule autour d’oeuvres outsider (art brut et Cie) et de ce que les étudiants que j’ai emmené à la foire on baptisé du terme de « petits traits ». En comparaison avec des foires consacrées au dessin des précédentes années, on remarque la disparition quasi totale des « choses » pour webmasters, c’est-à-dire des dessins de petits personnages colorés sur fond neutre, tendance qu’on ne regrettera évidemment pas !

Petit tour de deux ou trois choses intéressants vue dans l’édition 2012 de Drawing Now.

Raphaël Boccanfuso (Gal. Dorfmann, Paris) reproduit des feuilles de soins peintes avec des produits médicaux (éosine, permanganate de potasium, bleu de méthylène, etc.) créant ainsi une sorte déquivalence entre la prescription et le produit lui-même. On peut aussi y voir un rapport addictologique (au sens premier du terme!) à l’abstraction dans la lignée de la apassionnante série « Savoir disposer les couleurs » du même artiste.

Raphaël BOCCANFUSO, Une Semaine de Soins, 2011.
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Raphaël BOCCANFUSO, Une semaine de soins (éosine), 2011
Eosine disodique sur papier, 29,7x21 cm

Depuis 1997, Jean Bellissen (Galerie of Marseille) développe une fiction de multinationale baptisée AROMSI (Axe Rhone Océans Méditerranée Sibérie) dont l’objet est de creuser des cannaux aux quatre coins du monde. Ces grand travaux posent évidemment tout un tas de problèmes que les ingénieurs d’AROMSI tentent de résoudre dans une sorte de tautologie administrative transmuté en utopie totale.

Jean Bellissen, AROMSI Marseille voies navigables 2000
Encres sur papier, 220 x 150 cm.

Jana Gunstheimer (Gal.Römerapothek, Zurich) dispose des reproductions de tableaux déterioriés accompagnés d’un cartel expliquant la manière dont ces oeuvres ont été partiellement ou totalement détruites. Ces dessins s’inscrivent dans une attention mythique à l’histoire de l’art, du temps où l’on avait l’habitude d’admirer des oeuvres disparue, donc nécessairement inatteignables.

Jana Gunstheimer, The Petition, 2011
93.5 x 125.2 cm
Jana Gunstheimer, The Petition, 2011(détail)

Ward Shelley (Gal. The Flat – Massimo Carasi) dresse des diagrammes historiques sur papier calque, qui adoptent les formes organiques des boyaux, coeurs, intestins, etc. Typiquement le genre de pièces devant lesquelles ont peut passer des heures tant il s’agit d’une tentative d’exprimer la totalité d’un champ disciplinaire tout en essayant d’en classer les items. Ward Shelley s’engage dans une oeuvre fouillée d’une maniaquerie qui fait plaisir…

Shelley Ward, Jack Smith Chart, 2011.
Ward Shelley, Jack Smith Chart, 2011 (détail).

Ceux qui (comme moi) ont découvert les vidéo de Saddie Benning dans les années 1990 se demandaient certainement : « Que cette artiste aujourd’hui ? ». Réponse sur le stand de la galerie Vogt (NYC) : des petits formats abstraits un peu décalés. Du coup, on ne sait pas trop quoi en penser…

Sadie Benning,Sans titre, 2011.
Sadie Benning,Sans titre, 2011.

Enfin, la Galerie Aline Vidal présente les merveilleux collages de Lance Letscher.

Lance Letscher, collage.
Lance Leschter, collage sur couverture de livre.

Drawing now est aussi l’occasion de voir (et d’acheter!) des planches originales de bédé. La galerie 9e Art présente quelques dessins de Bastien Vivès – véritable génie de la bédé actuelle – et de Robert Crumb (expo au MAMVP oblige!).

Bastien Vivès, dessins.

Il ne fallait pas, non plus, rater le stand de la galerie Gilles Peyroulet & Cie avec les planches ésotérico-sado-maso très spectaculaires de Georges Pichard, quelques Crepax et dans un autre registre, quelques planches et dessins du père des Freak Brothers et pape de la Free Press : le divin Gilbert Shelton. Info de première bourre : les aventures de Wonder Wart seraient en train d’être traduites en français !

GEORGES PICHARD, La Perfection Chrétienne, 1990-95 Encre de Chine noire et couleur sur carte 50 x 32,5 cm
GUIDO CREPAX, Annette, 1972 - encre de Chine sur carte, 51 x 32 cm
Wonder Wart-Hog, couverture, 1977, signé, encre de chine et gouache sur carton, 36,5 X 28 cm,

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Drawing Now Paris, 6e édition

du 29 mars au 1er avril 2012,

Carrousel du Louvre, Paris.