Le Chevalier
Martin Le Chevallier, Guide de l’étudiant qui échoue, 2011.

La plupart des écoles d’art organisent une épreuve orale. Ce n’est pas tout à fait fortuit qu’elle se déroule souvent à la fin du parcours du combattant que constituent les concours d’entrée dans les écoles d’art : outre le fait de résoudre certains problèmes logistiques évidents, elle permet, à ce stade, de voir avec qui les profs auront envie de travailler. C’est donc une épreuve centrale du concours où même un candidat n’ayant pas brillé outre mesure pendant les premières épreuves, peut tirer son épingle du jeu. N’oubliez pas que comme dans tous les concours, vous jouez avec les représentations du « bon étudiant » que se font les enseignants (d’où l’intérêt d’aller aux portes ouvertes pour poser des questions aux profs et aux étudiants). Même si chaque école a ses spécificités (Art, Design graphique, design objet, etc.)  il existe tout de même quelques règles de bon sens à respecter. Quelques conseils…

Daniel Clowes, Eightball.
Daniel Clowes, Eightball.

1/ Fais le tri dans les travaux que tu montres et varie les médiums (dessin, photo, peinture, etc.) ! Si la quantité n’est jamais un critère ultime, il peut montrer une personnalité persévérante…

2/ Montre tes originaux. Des plaquettes mal imprimées sur du papier glacé font ressembler tes créations aux prospectus dégueux des livreurs de pizza. Si tu amènes des photocopies de tes travaux, rien ne prouve qu’ils soient vraiment de toi ou que tes dessins ne soient pas trafiqués à mort pour ressembler à quelque chose de regardable ;

3/ Montre ce que tu sais faire de mieux et/ou ce qui te ressemble le plus : par exemple si tu es une quiche en dessin, n’en montre pas (à moins que tu ais des choses intéressantes à raconter sur tes dessins moches) ;

4/ Peut-on montrer des vidéos ? Généralement oui, mais il faut être sur que ta tablette va fonctionner du premier coup (n’oublie pas que tu as une dizaine de minutes pour faire tes preuves, et que c’est toujours fatiguant de voir un candidat galérer pour allumer sa machine).

5/ Ne cherche pas d’excuses pour expliquer que ce que tu montres n’est pas exactement ce qu’on voit. Le jury se fout de savoir que ton petit frère a mangé tes œuvres la veille du concours où que tu aies été enlevé par les extra-terrestres et donc tu n’as pas eu le temps de finir tes œuvres. On fuit comme la peste bubonique les étudiants qui passent leur temps à chercher des excuses ;

Adrien Vermont / Moyennes Planches d'Histoires Naturellement Bipolaires / Limace / Crayons sur impression sur papier, 82 x 120 cm / 2013
Adrien Vermont / Moyennes Planches d’Histoires Naturellement Bipolaires / Limace / Crayons sur impression sur papier, 82 x 120 cm / 2013

6/ Occupe le jury. Il faut que le jury ait des points d’appui pour discuter avec toi. Montre-leur plusieurs choses. C’est encore mieux si tu as des pièces que le jury peut manipuler (occupe leur les mains !) comme des carnets de croquis (croquis d’après nature ou d’imagination), des éditions (graphzine, fanzines, etc.) ou des cahiers d’exposition (cahier dans lequel tu as pris des notes des expos/films/livres etc. que tu as vu/lu).

7/ Scénarise ta présentation. Une présentation ne s’improvise pas ! tu as en général que très peu de temps pour convaincre. Le mieux est de prévoir l’ordre dans lequel tu vas présenter tes pièces et ce que tu vas en dire. Répète avec tes parents (qui doivent avoir plus ou moins l’âge du jury !), tes potes ou tes amis extra-terrestres (cf. 5/)

8/ Ne flippe pas si le jury te pose des questions. Si on pose des questions, c’est qu’on pressent qu’il y a quelque chose à comprendre à ta démarche : c’est plutôt bon signe ! On ne pose que rarement des questions face à un boulot qu’on trouve vraiment nul. Mais si tu ne comprends pas une question, demande à ce qu’elle soit reformulée ou précisée.

9/ Prépare toi à parler des artistes que tu aimes. Le jury va chercher à savoir si tu t’intéresses vraiment à l’art où si c’est juste une carrière d’alcoolique mondain qui te motive. Il va donc te poser des questions sur les artistes que tu aimes et/ou qui t’ont inspiré. Là aussi, il faut préparer ! Il y existe cependant des références un peu « banales » sans être tout à fait rédhibitoires (Tim Burton, Dali, Miro, Goldworthy, etc. et l’ensemble des artistes au programme du bac). Donc si ces artistes sont vraiment ta seule source d’inspiration, il faut être prêt à développer…

10/ Faut-il bannir les mangas ? Question qui peut paraître un peu débile, mais qui m’est souvent posée (et donc qui n’est pas si débile que ça !). Évidemment, la réponse est non, mais c’est toujours pareil : parle de mangas que si tu as quelque chose d’original à en dire (pose toi la question « pourquoi j’aime ça ? ») ; cite des noms d’auteurs de mangas (et pas seulement de personnages) ; ne montre tes dessins « style manga » que si tu ne te contentes pas de faire du fan-art (ou alors il faut que tu en aies des milliers : généralement les obsessionnels, c’est assez séduisant). Ce qui je dis sur le manga est aussi valable pour d’autres formes « populaires » comme le graff, le tag, le tatouage, etc.

Masakazu Yamaguchi, Birth
Masakazu Yamaguchi, Birth

11/ Comment dois-je m’habiller ? « Come as you are » comme dirait Kurt ! (Seule certitude : tu dois venir habillé/e, quoi que !).

Et,

12/ Evidemment, la règle d’or qui vaut pour tout concours/entretien : la veille, tu te couches tôt, tu manges équilibré (pas de McDo ni de Kebabs) et pas d’ordi jusqu’à 3 heures du mat’ (« eh, t’es pas mon père ! »).

 

Dany Clowes, Eight Ball.
Daniel Clowes, Eight Ball.
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