S’il est une vache sacrée dans la pensée contemporaine, c’est bien Hannah Arendt. La philosophe jouit d’une aura particulière chez les intellectuels français, notamment parmi ceux qui tentent de penser la place de l’art et de la culture dans la société. Lorsque, pour ma part, j »avais parcouru La crise de la Culture et dans une moindre mesure La condition de l’homme moderne, j’avais été agacé par le conservatisme de l’auteure et le flou conceptuel qu’elle entretenait. Mais j’avais l’impression d’être un peu seul à penser cela, peut-être d’avoir mal compris certaines choses, et puis la flème probablement de me pencher sur la déconstruction du mythe Arendt.

Lorsque j’ai lu « Existe-il un mythe Hannah Arendt ? » (question qui sous entends « évidemment que oui et on va vous le démontrer ») en une du numéro de janvier-février de la revue Books je me suis naturellement précipité.

Ce dossier sur le mythe Arendt se concentre principalement sur la méthode utilisée pour l’écriture des Origines du Totalitarisme, Eichmann à Jérusalem. Bernard Wasserstein – l’auteur de l’article originalement publié dans le Times Literary Supplement – montre la pauvreté des sources sur laquelle s’appuie la philosophe : « L’histoire juive moderne fut le seul domaine où Arendt s’en remit plusieurs fois à des historiens nazis, en tant que sources autorisées. Et elle intériorise une partie de ce qu’ils disaient des Juifs, du « parasitisme » au « cosmopolitisme » [p. 60].

Wasserstein démonte avec une assez grande finesse le « système Arendt », même si l’auteur insiste un peu lourdement sur l’absence d’amour d »Arendt pour le peuple juif qu’elle traite avec une certaine froideur. Certains pourront être agacés par les anecdotes relatées par l’auteur, dressant un portrait peu flatteur de la philosophe (mais pour ma part, je trouve ces anecdotes assez éclairantes). On regrettera toutefois que Books n’ai pas proposé de réel débat autour de ce texte : seul un courrier de lecteur (certes adressée au Times Literarcy Supplement) un peu faiblard tente de réhabiliter la cas Arendt!

Signalons que Books s’était livré au même genre d’exercice (un peu moins violament tout de même) autour des sources historiques chez Michel Foucault.