J’avoue ne pas souvent visiter les expositions du Musée d’Orsay sans doute par crainte de tomber nez-à-nez avec une grosse machine artistico-pédago-touristico-franchouillarde.
Mais « Crime et Châtiment » avait au moins deux raisons objectives d’attirer mon attention : premièrement parce que le projet est à l’initiative de Robert Badinter (c’est-à-dire un homme politique, figure historique de la gauche française, extérieur au monde de l’art, et qu’il est toujours intéressant de voir ce qu’attendent les politiciens de l’art) et ensuite parce que le commissariat général de l’expo est assuré par Jean Clair.
Selon le livret de l’exposition, « Crime et Châtiment envisage une période d’environ deux siècles : de 1791, lorsque Le Peletier de Saint-Fargeau réclame la suppression de la peine de mort, jusqu’au 30 septembre 1981, date du vote de son abolition en France. ». Autant dire que cette démarche a des chances de proposer une articulation art/ document des plus intéressantes.

Passons sur les quelques citations affichées ici et là sur les murs de l’exposition – ce gimmick du dégré zéro de la scénographie d’exposition ne vaut même plus la peine qu’on s’y énerve – bien que ces dernières renseignent parfois sur le corpus « scientifique » (ou son absence) convoqué pour l’exposition.

« Crime et Châtiment » se déroule en chapitres clairement délimités dans l’espace d’exposition ainsi que dans le genre d’objet (œuvres d’art, photographie « scientifique » ou documentaire, gravures, journaux, etc.) présenté.
Concernant les œuvres d’art, il s’agit essentiellement de peintures reprenant l’ambiance des précédentes expositions organisées pas Jean Clair et donnant parfois une impression de déjà vu (le « chapitre » consacré à la folie fait beaucoup penser à ce qu’on pouvait pu voir dans « Mélancolie« , bien qu’il ne s’agisse pas exactement des mêmes œuvres). C’est également l’occasion de voir, ou de revoir, de magnifiques petites toiles de Goya ou des gravures de Daumier.
Mais mon interrogation se porte sur les toiles plus récentes, notamment celles qui représentent des scènes de pendaison ou d’exécution (chapitre « La peine de mort« ). Ces toiles, parfois de trés grand format, sont particulièrement troublantes et poussent à se questionner sur les intentions des commanditaires de ces pièces : que voulaient démontrer les artistes ou les commendataires de ces œuvres. Car pour exposer ces œuvres dans son salon, dans son bureau ou dans une institution judiciaire, il faut assurément avoir un certain penchant pour la cruauté. Les textes disposés dans l’exposition ne répondent pas à cette question, probablement que le volumineux catalogue y apporte un éclairage…
Finalement, les œuvres d’art de « Crime et Châtiment » finissent par passer au second plan, tant elles fournissent une sorte de respiration dans le parcours du Musée d’Orsay. Ce qui reste le plus marquant est l’ensemble du corpus « documentaire » : les gravures et les plans de panoptiques, les Unes des premiers Tabloïds (dont finalement l’origine serait à chercher du coté de l’évolution du traitement artistique et médiatique de l’assassinat de Marat) qui très tôt instaurent le fameux « climat d’insécurité » , les photographies médicales ou de scènes de crimes. Dans ce dernier registre, arrivant quasiment à la fin du parcours, les photographies policières de Bertillon apparaissent comme étant le nœud de l’exposition.

Tout y est : l’horreur première de la scène, sa mise en scène institutionnelle et bureaucratique (un « crime » devient une « fiche » répondant à une nomenclature précise) et donc esthétique (vue en plongée, noir et blanc (certes imposé par l’époque), prise en compte du décors intime de la victime, etc.), l’organisation des fiches entre elles à l’intérieur des vitrines où se mêlent victimes et inculpés, la scénographie particulière de cette salle plongeant le visiteur dans une ambiance qu’on imagine être celle d’un bureau de la brigade criminelle du début du 20e siècle…
« Crime et Châtiment » n’est finalement pas une exposition militante comme on aurait pu le craindre au premier abord. Le parcours proposé par Jean Clair et Robert Badinter se contente d’élaborer une dense et minutieuse « histoire visuelle » de la criminologie moderne sans jamais imposer au visiteur le pathos habituellement liée à ce genre de thème. Seul bémol, les deux dernières salles, relativement gratuites, qui n’apportent rien à l’exposition (« Artistes, fous et criminels » et « Cadavres exquis ») en rejouant ad nauseam le couplet de l’artiste borderline.
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Bonjour, j’ai visité l’exposition: elle est très belle, belles oeuvres,la guillotine est bien emballée,bien agencée et aérée. Elle est aussi militante par certaines phrases notifiées le long du parcours, au risque de banaliser le crime. La présence de certaines oeuvres laisse perplexe , exemple, la danseuse en tutu de Degas ,mais on trouve l’explication dans le gros bouquin disponible en lecture libre. On en ressort pas indemne à tous points de vue….à bientôt Jocelyne ARTIGUE