Un revival art cinétique semble s’être emparé des institutions parisiennes. Pour preuve, l’organisation conjointe de la méga exposition Dynamo au Grand Palais ou des expositions monographiques consacrées à Rafael Soto et Julio le Parc respectivement au Centre Pompidou et au Grand Palais. Ce regain d’intérêt est d’autant plus prégnant qu’il s’articule avec une autre thématique curatoriale diamétralement opposée et également en vogue autour de la mélancolie et/ou de sentiments plus sombres.
Formellement, ce qui pourrait caractériser le type d’art cinétique proposé dans ces expositions est la prédominance des couleurs vives, de la lumière, des formes géométriques et évidemment le mouvement qu’opèrent les pièces vis-à-vis ou avec le spectateur.
Ces pièces résistent à leur restitution photographique (voire à la vidéo) dans le sens où les traces photographiques des pièces présentées exposent d’emblée — et plus que pour d’autres types d’œuvres — leurs carences face à l’expérience de l’œuvre dans l’exposition. Peut être est-il aussi à chercher de ce coté les raisons de la traversée du désert qu’ont subi ce genre d’œuvre depuis la fin des années 1970. D’ailleurs, les reproductions de catalogue sont particulièrement décevantes au regard de ce qu’on peut « voir » dans l’exposition.
L’impossibilité de montrer ces œuvres en photographie, cet échec, n’est pas simplement du au fait qu’il s’agit d’œuvres « qui bougent », auquel cas la capture vidéo permettrait de retranscrire l’œuvre de manière adéquate. Mon hypothèse est que ces œuvres résistent à la retranscription iconographique parce que le plaisir qui découle de ces pièces réside en partie dans l’excitation qu’éprouve le spectateur à tenter de décrypter le fonctionnement mécanique des œuvres, le « truc » qui fait que ça produit l’effet que nous observons. En d’autres termes, le spectateur est face à un prestidigitateur extrêmement habile. Et comme pour le prestidigitateur, la réussite du tour repose en partie sur l’ambiance qu’il parvient à installer, les faux semblants qu’il induit, l’histoire qui est racontée, comme mise en condition du spectateur vers une réception idéale.
On imagine aisément que les œuvres de Le Parc sont compliquées à exposer notamment parce qu’elles nécessitent une manipulation du spectateur pour être activées ou un espace suffisamment vaste pour que le visiteur puisse les actionner par son propre mouvement. Bref un véritable casse-tête dès lors qu’on décide de ne pas considérer ces pièces comme des reliques mortes de l’histoire récente de l’art et qu’on les propose réellement à l’expérimentation. On ne peut donc que saluer Julio le Parc et le Palais de Tokyo de n’avoir pas cédé au conservatisme qui aurait consisté à mettre toutes les pièces sous cloche et à expliquer dans des cartels la manière dont elles fonctionnent.
L’aspect de manipulation, de mécanique, d’expérimentation fonctionne particulièrement bien dans l’exposition Le Parc. On entre dans les œuvres, on appuie sur des boutons, on se déplace autour, etc. L’expérience du spectateur est rendue très agréable par une scénographie relativement sobre et qui parvient à aménager un espace idéal entre les œuvres (y étant allé un mardi après-midi, je ne sais pas si ce rapport aux œuvres fonctionne aussi bien lors des fortes affluences du week-end). Une exposition dont on ressort revigoré, même si la dernière salle — un peu trop vintageo-potache-soixante-huitarde — sera vite oubliée.
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Grand merci aux adorables agents de sécurité du Palais de Tokyo — complices malgré eux de ma légendaire étourderie — qui ont récupéré mes clés de scooter que j’avais laissé sur l’engin.