
Que faire avec les moyens du bord ? Voilà une question centrale dans la création contemporaine et qui navigue à contre-courant des revendications parfois mégalomanes et démesurées de nombre d’institutions ou d’acteurs culturels. Avec l’exposition évolutive « Construction works », Laurent Lacotte (commissaire d’exposition et artiste) invite un groupe d’artistes à intervenir dans un lieu en travaux. Chacun s’empare du lieu, déplace ou agence des matériaux trouvés sur place, se confronte à l’inconfort d’un espace non destiné, en friche. L’intérêt de « Construction works » réside alors dans la manière dont la plupart des artistes ont répondu à la sollicitation de Laurent Lacotte en choisissant de ne pas sur jouer l’aspect « squat berlinois » pour offrir une exposition finalement assez ambitieuse.
La pièce la plus imposante est probablement celle de Matthieu Clainchard. L’artiste a repeint en noir mat un mur entier de l’espace venant ainsi annihiler les surfaces, les ombres, les reliefs et les éléments de mobilier du mur encore d’aplomb. Comme un pied de nez à cette pièce, David Renault abandonne non loin de là une masse dont le butoir est en béton, autrement dit dans la même matière que le mur qu’il doit détruire (Mass Destruction, 2014). La masse devient tellement lourde qu’elle en devient inefficace.

We’re all players est un baby foot-cercueil de Laurent Lacotte (2014) qui se compose de bois de chantier. Cette pièce fortement ambivalente renvoie à l’espace ludique d’une exposition d’art contemporain, mais aussi au sort funeste réservé aux ouvriers du bâtiment victimes d’accidents dans certaines contrées et renvoyés chez eux dans des caisses bricolées de la sorte. Hervé All compose ce qu’on pourrait identifier comme un paravent ou une petite cloison en béton, bois et tiges de fer. On ne parvient pas immédiatement à saisir s’il s’agit d’une construction ou d’un vestige avant de remarquer que l’artiste a disposé un croquis de la structure sur un des murs à proximité de la pièce. Un jeu de référence s’engage alors entre le croquis et la pièce pour complexifier le statut de chacun des éléments encore obscurci par le contexte de « Construction Works ». Raphaël Charpentié confectionne, quant à lui, une petite crête totémique composée de toutes les poussières et petits détritus que l’artiste a pu amalgamer en répandant de la colle sur le sol. Cette pièce quasi primitiviste dans le geste qu’elle induit — s’accroupir au sol, ramasser la colle salie, en faire un tas — répond à merveille à une actualisation de l’idée d’esprit des lieux qu’elle parvient à matérialiser.




Alors, si la promesse de « Construction Works » n’est pas révolutionnaire en soit (en même temps, on en a un peu marre des « proposition curatoriales » soi-disant radicales qui revendiquent le fait de « bouleverser ceci » ou de « réinterroger cela » alors que leur seule force réside bien souvent dans une amnésie — voire une méconnaissance — de l’histoire de l’exposition…), elle parvient à slalomer habilement autour de quelques poncifs au sujet de cette forme de monstration et d’y ouvrir des pistes intéressantes.
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Construction Works, 28 juin au 15 septembre 2014 (sur rdv), commissariat : Laurent Lacotte
L’impasse, 4 Cité Griset Paris 11e.
Hervé All : vit et travaille à Lyon
http://art.herveall.com/
Pierre Andrieux : vit et travaille à Bordeaux
http://pierreandrieux.blogspot.fr/
Cyril Boixel : vit et travaille à Tarbes
Raphaël Charpentié : vit et travaille entre Strasbourg, Grenoble et Karlsruhe
Matthieu Clainchard : vit et travaille à Paris
http://matthieu.clainchard.free.fr/
Sara Conti : vit et travaille en Belgique
http://www.saraconti.com/
Laurent Lacotte : vit et travaille à Paris
http://laurentlacotte.com/
David Renault : vit et travaille à Rennes
http://signalfantome.free.fr/
le lien ne fonctionne pas sur » Construction Works, » la page n’existe pas comment prendre rdv ?
je pense que le mieux est de prendre rdv directement avec Laurent Lacotte via son site web: http://www.laurentlacotte.com/contact.html