
Question récurrente des jeunes artistes : « comment trouver un critique d’art pour écrire sur mon travail ? ». Parce que c’est bien joli d’avoir un ou deux textes signés d’anciens profs des beaux-arts, mais ce n’est pas avec ça que vous allez intéresser des galeries sérieuses ou des responsables institutionnels. Pas d’angoisse les amis ! Le critique d’art est une espèce peu farouche qu’on appâte aisément avec quelques pacotilles et des gratouilles entre les oreilles. Mode d’emploi :
- Choisissez un critique d’art pas trop connu et (donc) qui galère un peu. Le « pas trop connu » est un peu moins prétentieux que le « connu » (il n’a pas le choix, à vrai dire…). De toute façon, le « connu » n’est pas encore dans vos moyens ! Pour trouver votre « pas trop connu », jetez un œil sur les « reviews » d’Artpress, les blogs, les articles de 02 ou des autres magazines gratuits. Après vous trouverez aisément leur coordonnées sur les réseaux sociaux ;
- Choisissez un critique d’art qui est aussi commissaire d’exposition. Organiser des expositions est une manière de (mal) gagner sa vie pour le critique d’art. Comme il n’a pas beaucoup de temps (comme vous, il a un boulot alimentaire pour payer le loyer), il pioche toujours dans le même cheptel d’artistes : à vous d’en faire partie. Et puis sait-on jamais, ce critique-commissaire finira peut-être responsable d’un centre d’art ! ;
- Vous faites une exposition quelque part, invitez-le personnellement soit en lui envoyant un courriel, soit par facebook (ce qui est un peu plus détendu et qui fait de vous un artiste fonceur, « à l’américain » mon coco). N’oubliez pas d’évoquer le point n°4 dans votre message ;
- Choisissez un article au hasard dans sa production et complimentez le critique à son sujet. Dites-lui combien il est courageux de dire ce qu’il dit et qu’il est bien le seul à faire ce travail de fond. Ne pas oublier de louer son « style percutant » et la « justesse de son analyse » (le critique d’art est sensible à la flagornerie plus qu’à tout autre marque d’estime, même pécuniaire. C’est d’ailleurs ce qui le rapproche le plus de l’artiste) ;
- Minaudez un peu et faites du name dropping (mais pas plus que lui). Si vous n’avez pas d’idée pour le name dropping, contentez-vous de répéter les prénoms des gens dont vous parlera le critique d’art ;
- Adoptez les indignations du critique d’art. Il y a toujours deux ou trois choses qui « révoltent » le critique d’art (la gloire usurpée de tel artiste, les textes d’un confrère, les articles d’Artpress, la programmation du Centre Pompidou, etc.), c’est souvent un peu obscur, mais faites comme si c’était aussi important pour vous que pour lui. Dans la vie, le critique d’art a peu d’alliés : soyez-en ! ;
- Evoquez vos projets de catalogue. Le modèle économique de la critique d’art n’existant pas, les seuls projets rémunérateurs sont l’écriture de textes pour des catalogues. De toutes façons, ces plans ne seront pas pour le critique d’art qui lancera votre carrière (il le sait bien au fond de lui, petite chose), mais pour celui — plus célèbre — qui vous mettra le grappin dessus dès que l’institution s’intéressera à vous. Mais ça, c’est pour plus tard : vous aviserez… ;
- Ne riez pas à gorge déployée s’il annonce fièrement qu’il est membre de l’AICA (Association internationale des critiques d’art), certains critiques d’art pensent que cette chose est une sorte de médaille, ne leur brisez pas leurs rêves ! ;
- Si le critique d’art écrit un texte sur votre travail, profitez de cette occasion pour le revoir et lui offrir un truc. Il y a bien une vieille édition ou un multiple qui traine au fond de votre atelier. Le critique d’art se sentira important et ça vous débarrassera un peu ;
- Donnez-lui régulièrement de vos nouvelles. Evitez les newsletters impersonnelles que personne ne lit et envoyez des choses plus singulières, des images de ce que vous êtes en train de faire ou parlez-lui des textes que vous avez lu et qui vous font penser « à notre dernière conversation ». N’oubliez pas que le critique d’art se vit comme un intellectuel, même si la majeure partie de son activité consiste à réécrire des communiqués de presse.
Vous voilà désormais armés pour attirer à vous des nuées de critiques d’art fébriles de partager votre compagnie (et votre œuvre). Bonne chance !
Bravo Maxence, c’est exactement cela !
Par renversement, je serais bien amusé de lire quelque article, cette fois à destination des institutions, sur la meilleure manière d’aborder les artistes (pas trop connus), en 10 points et avec toutes les précautions requises. (Point 2, vouloir faire parti d’un cheptel bis repetita placent ?)
je me base sur mon expérience de critique d’art en forçant un peu le trait, donc comme je n’ai jamais été responsable institutionnel ni artiste face à ces personnes je ne pourrai pas le faire. Mais c’est vrai que ça pourrait être amusant (plusieurs artistes m’ont raconté des visites d’atelier avec ce genre de personne, et c’est vrai que c’est parfois gratiné)
Un joli résumé de la situation en effet …
Au fait : vous ne voudriez pas écrire un article sur ma peinture ?? 😀
🙂
blague à part, je trouve ça bien que les artistes documentent leur processus de création, leurs impressions face aux autres œuvres, etc comme vous le faites sur votre blog (pour les curieux : http://stephanepeltier.com/blog/). C’est vraiment une démarche importante quant on essaye de faire de la critique sérieuse, les discussion avec les artistes sur le travail des autres m’apportent en général beaucoup.