Deux salons importants se partagent les jeunes artistes : le Salon de Montrouge (qui se déroule en ce moment) et le Salon de la Jeune Création (qui aura lieu début juillet). Ces deux institutions permettent à des artistes en début de carrière de confronter leur travail et parfois de se faire repérer par le monde de l’art. Le Salon de Montrouge a connu une petite crise lorsqu’ils ont décidé de virer Stéphane Correard — qui avait su dépoussiérer cette institution — pour le remplacer par Ami Barak, censé faire les finitions au swiffer.
Nul besoin d’aménager le suspense, la sélection 2017 du Salon est d’un ennui dont le seul mérite est sa constance. Organisée en sections, l’exposition égraine les œuvres eauçamouillistes au milieu d’autres feuçabrulistes assez décoratives. Le tout est servi, avec une régularité de métronome, par des cartels explicatifs indigents et jamais très éloignés d’énormes écriteaux indiquant qu’il ne faut pas « toucher les œuvres ». Le tout est la plupart du temps coupé de tout contexte politique, ce qui est une prouesse en 2017 ! Sentiment globalement morose, alors que je me dis que cette présentation donne l’impression d’assister à une exposition d’une très moyenne promotion de diplômés d’école d’art.
Dans ce genre de manifestation, il est toujours très intéressant d’observer le palmarès (et oui, il faut des prix, des classements, des c’est-qui-qui-domine, histoire d’en rajouter une couche !) qui renseigne évidemment sur les attentes du jury. Entre des œuvres formellement faiblardes — mais vaguement dans l’air du temps d’il y a dix ans — et une ancienne de l’ENSBA qui gagne le Prix (je vous le donne Emile !) des Beaux Arts de Paris, le palmarès fait la démonstration du conservatisme de cette édition. Le plus gênant est sans doute le prix décerné à Romain Gandolphe dont la vidéo A venir (2017) parait très inspirée d’Espaces Augmenté (2012) d’Arnaud Cohen (sans la porté politique !) ou de la rétrospective de Gianni Motti Plausible Deniability (Migros Museum, 2004) ; et A la recherche (2017) également assez proche des expériences d’Anne-Françoise Penders (2000) autour du land art historique… Qu’un jeune artiste ait du mal à faire le tri dans ses « sources d’inspiration » est une chose, qu’un jury de professionnels n’y parvienne pas, semble très problématique.
Mais heureusement, quelques pépites se sont perdues dans l’amas consensuel que constitue l’édition 2017 du Salon de Montrouge : parmi elles, la présentation de Laurence Cathala et celle de Pauline Brun.
Laurence Cathala montre une double page de livre agrandie au format des cimaises. Autour de la page s’organise une constellation de post-it à cette même échelle constituant le commentaire du texte. La Première Vision parle de montée des eaux, de société future ou l’image aurait totalement remplacé le texte, de la mécompréhension du monde d’avant… Ça n’est jamais pompeux, juste sur toute la ligne. Bref, un métissage réussi entre récit de science-fiction et art contemporain qui n’hésite pas à s’emparer, sans pathos, de questionnements politiques au sein d’une exposition qui l’est si peu.

Pauline Brun propose quant à elle une vidéo de performance ou elle teste une ribambelle de combinaisons entre son corps et différents matériaux (Étalon par défaut, 2017). La performance filmée se déroule sur ce qu’on peut voir comme une scène de théâtre. L’artiste entre dans l’espace par une porte trop petite pour elle qui dès lors nous fait comprendre qu’il sera question d’ajustement du corps. Pauline Brun charrie tout un tas de matériel qu’elle tente de disposer dans l’espace scénique. Elle se heurte ; elle tombe ; elle se bat avec une chaise pliante ; elle joue au jockey sur une chaise à roulette tout en essayant de bomber un mur ; enroulée comme un maki géant de tissus, elle essaye de s’échapper par un genre de chatière,… L’espace scénique se mue alors une farce du white cube où Feydeau tire la bourre au Six Colorfull Inside Jobs de John Baldessari … Fin, drôle, astucieux : une réussite !


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62e Salon de Montrouge, 27/04 au 25/05/2017.