Je pensais que ça n’allait plus jamais arriver, que c’était plié, qu’il fallait se faire une raison : suivre les expos du Centre Pompidou juste par conscience professionnelle. Et puis voilà « Dreamlands« , une expo vraiment réussie, intelligente et bien foutue…

L’exposition commence par une série d’images d’Expositions universelles permettant de prendre conscience de la manière dont le 20e siècle – par ailleurs si funeste – s’ouvre par le divertissement. On voit également la manière dont la « bande à dédé Kénavo » le (futur) surréaliste s’éclate dans ces attractions.

Max Morise, Max Ernst, Simone Breton, Paul Eluard, Joseph Delteil, Gala Eluard, Robert Desnos et André Breton dans une fête foraine, France, ca. 1923 Photographe de studio inconnu Collection Marc et Sylvie Sator

On parcourt ensuite une présentation du pavillon « Le Rêve de Vénus » que Dalí – au sommet de son art – avait conçu en 1939 à New York (photos d’Eric Schaal). Et là, l’artiste catalan n’y va pas avec le dos de la cuillère (molle) : références lourdingues à la peinture classique, femmes nues ou déguisées en soubrettes de sous-préfecture, kitsch, kitsch et re-kitsch… bref tout ce qu’on adore chez Dalí. Si j’étais un vieux con, j’irais même jusqu’à dire que les jeunes artistes actuels ne parviennent pas à dépasser cette démesure foutraque.

Les autres salles sont du même tonneau. La mise en image de La Leçon de Las Vegas de Venturi, Scott Brown et Izenour casse littéralement la baraque. Les photos de Thomas Struth, Olivio Barberri et Martin Parr (bien qu’un peu trop vues cette année) font leur effet comme contrepoint arty à la réalité brute du Vegasy. Puis on bascule à nouveau dans l’autre sens avec les Images du Monde de Joachim Mogarra, bonne surprise de cette expo et réelle découverte pour moi.

, 1986. »]

D’autres pièces intéressantes ponctuent Dreamlands, comme Untitled (Skyline) de Kader Attia – frigos peints en noir et recouverts de mosaïques de miroirs figurant autant de gratte-ciels – immédiatement contre-balancée par une sorte d’île des « musées imaginaires » très avachie (Love it! Bite Eat!) réalisée par Liu Wei en os à mâcher pour chien ! La cerise sur le gâteau étant le film promotionnel The Epcot Film (1966) dans lequel Walt Disney himself explique son projet urbanistique fouriero-stalinien, arborant – c’est de circonstance – un authentique regard de dingue.

lorsque Staline et Bambi se rencontrent, ils se racontent des blagues d'urbaniste (ill. Max Fécamp).

« Dreamlands » est une exposition stimulante et riche comme ne nous avait plus habitué le Centre Pompidou depuis des lustres. Les deux commissaires, Didier Ottinger et Quentin Bajac, ont réalisé un merveilleux travail de documentation autour d’une thématique quelque peu casse-gueule sur le vieux continent (mais très balisée par les cultural studies), à savoir les rapports entre « art » et « divertissement » ; thématique qui a la fâcheuse tendance à se transformer en « haute culture vs sous-culture », « Mozart vs NTM », etc. Même la typo utilisée pour les cartels est parfaite… Seuls petits bémols : les dernières salles consacrées à Kelley, à Dubaï (un peu baclées), à Pierre Huyghe (travail auquel je ne comprends décidément rien) et le diaporama de la Tour Eiffel qui est là uniquement pour rappeler au touriste « globalisé » égaré dans le musée qu’il est bien à Paris (c’est une expo d’été, quand même !).

Dreamlands du 5 mai – 9 août 2010, Centre Pompidou, Paris.