Il faut rendre hommage à la trés belle exposition There are two sides to every coin, and two sides to your face organisée par Carlos Cardenas chez Xippas . Au delà des deux stars (Bruce Nauman et Carl Andre) qui y présentent des pièce sans grand intérêt mais dont la présence sert d’adoubement pour la jeune génération (ce qui est bien légitime dans une galerie commerciale), l’exposition de groupe m’a permis de découvrir le travail de Claudia Wieser.
Claudia Wieser réalise des oeuvres inspirées par la géométrie classique qu’elle combine avec les investigations architecturales du Bauhaus et leurs dérivées décoratives apparues tout au long du 20e siècle. Tout d’abord avec ses « dessins » dans lesquels l’artiste se contente de faire émerger une composition fantasmatique grâce à de lignes de fuite révélées à la feuilles d’or. Impossible alors de ne pas y voir un hommage aux traités d’Alberti si ce dernier n’avait pas rejeté en bloc l’héritage mystico-scientifique (l’alchimie) du Moyen-âge. Car chez Claudia Wieser, la feuille d’or n’a rien de byzantin, mais intervient comme élément purement optique – une transmutation – comme des miroirs précieux apposés sur des images qu’on croirait prélevées d’anciens manuels scolaires ; des images sans autre qualité que leur portée didactique. La feuille d’or renvoie à l’ailleurs du dessin, à l’espace auquel il fait front : la galerie. Et c’est exactement ce cheminement que poursuit une autre série de Claudia Wieser composée d’agencements de miroirs.

Le découpage des miroirs en une multitude de facettes taillées selon une géométrie rigoureuse n’est pas sans rappeler formellement l’art minimal et conceptuel des années 1960. On pense notamment à Incidents of Miror-Travel in the Yucatan (1969) ou Four Sided Vortex (1965) de Robert Smithson. Mais alors que Smithson cherchait avec ses oeuvres à rendre la compléxité autonome d’une structure minérale élémentaire (le cristal), Claudia Wieser s’interesse davantage aux capacités externes du miroir. Deux époques, deux paradigmes : celui d’un univers en réduction et celui d’un univers en extension.

Nul doute que Claudia Wieser compose des « machines de vision », sortes de focales primitives et rudimantaires mais bougrement efficaces. Le plus passionnant étant que ces focales ne nous servent pas à nous montrer le monde, mais a nous en commenter les simulacres : d’un côte les images photographiques analysées comme des compositions de la Renaissance, de l’autre la présence morcelée du white cube dont les angles droit deviennent tranchant.
+++
Claudia Wieser est née en 1973 et vit à Berlin. Elle est représentée par la galerie Sies+Hoke à Dusseldorf, Ben Kaufman à Berlin.