Premier arrêt chez Sémiose qui parvient généralement à présenter des oeuvres formellement à la mode mais proposant toujours quelque chose de différent par rapport à la masse des daubes surgelées qu’on voit chez leurs confrères boxant dans la même catégorie. C’est le cas avec Chambre Rose, Chambre Grise, nouvelle expo d‘Hippolyte Hentgen. Hentgen fait de la retouche de vieilles peintures et d’anciennes photographies pour y adjoindre des petits monstres ou des formes géométriques. L’autre partie de son travail s’attelle à de petites caricatures un peu salaces réalisées dans un style « bad drawing » très en vogue dans les fanzines de dessin contemporain. Au premier abord, on pourrait dire que tout le monde fait un peu ce genre de choses en ce moment, mais Hentgen parvient à tirer son épingle du jeu : davantage de malice dans ses retouches, une sorte de choc des cultures qui ne se borne pas au décoratif (ou à l’ornemental) dans ces peintures figuratives/abstraites, et ses dessins pourris jouent toujours sur une réjouissante ambiguïté.



- Hippolyte Hentgen
Pour accéder à l’exposition de Céleste Boursier-Mougenot, il vous faudra non seulement gravir l’habituel escalier de chez Xippas, mais aussi slalomer entre les gros galets que l’artiste y a installé. L’art contemporain, ça se mérite désormais aussi physiquement !
Et on est largement récompensé avec une installation consacrée aux abeilles, leur habitat et surtout le son que tout cela génère (Relais, 2012). Des ruches calcinées surmontées, pour chacune d’un énorme galet, ponctuent l’espace de la galerie en forme d’hommage à la sculpture minimale. Un faible son provient de ces ruches mortes alors transformées en haut-parleurs. A l’autre extrémité de la galerie, on découvre une ruche – celle-ci bien vivante – autour de laquelle des abeilles se livrent à leurs occupations. C’est aussi de cette ruche en activité qu’est enregistré le son qui semblait sortir des ruches calcinées. Une fois de plus, Céleste Bouriser-Mougenot réussit une pièce forte et intelligente non dénuée de poésie. On peut seulement regretter l’autre pièce présentée entre les deux parties de l’installation aux abeilles : le téléphone vintage qui sonne en fonction de l’apparition de certains mots sur internet (U43 2012) parait hélas très convenu au voisinage de Relais.



Chez Perrotin, Sophie Calle est égale à elle-même. Nouvelle série où l’artiste demande à des aveugles de lui décrire la dernière image qu’ils ont vu. Sur le papier, ça pue le pathos, mais la magie Calle opère comme (quasiment) à chaque fois. L’agencement entre les images est sobre et efficace tout en restant sensible, les textes sont justes. Ce qui est proprement fascinant avec Calle c’est qu’on croit toujours qu’on va voir ce qu’on a déjà vu, mais elle parvient à nous cueillir à chaque expo. Sa capacité à s’emparer de sujets casse-gueule et à en tirer toujours quelque chose de singulier est proprement bluffante.

Dans un des autres espaces de la galerie Perrotin (de l’autre côté de l’impasse) sont présentées des oeuvres d’une nullité sans pareil signées Hernan Bas (il ne suffit pas donner un titre ironique pour faire gober n’importe quoi au public!). Sur fond doré, ces portraits de jeunes hommes donneront une conjonctivite foudroyante à tout amateur d’art encore pourvu de rétine organique. Ça ressemble à du mauvais Egon Schiele si cet artiste avait été une sorte de pédé honteux saoudien fasciné par la Rome du film Caligula (je sens qu’avec ce genre de description, je rends ces oeuvres intéressantes, presque malgré moi, aux plus pervers individus de mon fidèle lectorat!). Mais je me dis que cet espace est visiblement dédiés aux trucs les plus moches ramassés par Perrotin et probablement destinés à être vendus à des nababs russes ou à des footballeurs aux gouts approximatifs, férus de voitures « de sport » et autres feuilles d’or dans le champagne. Dommage de présenter de tels fonds de tiroirs, car la peinture de Bas est par ailleurs digne d’intérêt.

D’autres bonnes surprises chez Bendana/Pinel qui présente les oeuvres de Carlos Contente, artiste brésilien à la production un peu foutraque en lisière du street art trendy et de l’art brut. Ça donne une oeuvre très énergique, avec quelques trouvailles formelles rafraîchissantes, même si on demande à voir les développements futurs de l’artiste.

Peinture encore à la galerie MGE avec une exposition collective d’un assez bon niveau. On retiendra les trois oeuvres de Nicolas Pilard qui parviennent à jouer de transparences pour organiser un espace en déséquilibre constant, le tout autour d’une palette chromatique parfaitement maîtrisée.


- Nicolas Pilard, Pericarpe, 2009. Huile sur toile 195 x 130.
Mais la très bonne surprise de ce tour des galeries du Marais est l’exposition Darkcloud de Geert Goiris chez Art: Concept. Le diaporama composé d’une série de fondus orchestrée sur deux projecteurs de diapositives est une véritable merveille! Ici, Geert Goiris fait se succéder des images en noir et blanc prises lors d’un trajet entre Belle-Ile en Mer et Ouessant. Le rythme est d’une douceur méditative rappelant par moment le ressac des vagues. Brouillant les échelles, ces clichés se superposent et finissent par se fondre les unes dans les autres révélant la texture ferreuse – presque d’acier – de ces plans de rochers.
