Charles Hugo, Château de Mont-Orgueil, aout 1853.
Charles Hugo, Château de Mont-Orgueil, aout 1853.

Depuis une quinzaine d’années, on assiste à un revival des expositions « cabinet de curiosité ». Un temps diagnostiqué comme étant un des signes de la fameuse « crise de l’art[1] » — dans son flou évaluatif, le cabinet de curiosité paraissait être le repli idéal pour un monde de l’art qui n’acceptait plus de prendre le risque du discours critique sur les œuvres —, ce genre curatorial a portant fait florès depuis les années 2000 avec de nombreuses expositions se tenant dans des lieux consacrés à l’art contemporain. Découlant de ce genre, la mode des expositions sur les artistes médiumniques est quant-à elle plus récente et a été largement soutenu par la Maison Rouge. Ailleurs, on a pu notamment voir la fabule exposition « L’Europe des Esprits ou la fascination de l’occulte, 1750-1950 » au Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg l’an dernier.

D’une certaine manière, « Entrée des médiums » semble surfer sur la vague du succès de l’exposition Strasbourgeoise. Mais on se rend rapidement compte que la Maison de Victor Hugo joue davantage la carte de « l’esprit des lieux », en faisant débuter l’exposition sur les expérimentations spirites de la famille Hugo.

L’exposition s’ouvre sur une petite pièce au centre de laquelle trône un guéridon de part et d’autre duquel sont placés un buste et un crâne, le tout reprenant les décors des séances des années 1850. Sur les murs de la salle, des portraits photographiques de l’entourage des Hugo férus de spiritisme. Chaque portrait est accompagné d’une éclairante notice explicative consacrée à chacun des personnages. Dès lors, on est plongé dans une sorte de jeu de rôle ou chacun des personnages revêtirait des compétences particulières pouvant être mises à profit pour la résolution d’énigmes. L’ambiance particulière de la Maison de Hugo donne bizarrement des accents Lovecraftiens à cette entrée en matière.

Les salles suivantes montrent des dessins réalisés sous l’emprise des esprits. Les dessins et les photographies de Charles Hugo — fils de Victor et principal animateur des séances de spiritisme — sont particulièrement impressionnants. La pièce s’ouvre sur une photo théâtrale et énigmatique du Château de Mont-Orgueil (aout 1853) où semble se dessiner une tête de mort sur la falaise. Les autres « œuvres » de Charles sont tout aussi saisissantes tant on se met à regretter qu’elles ne soient pas publiées en recueil à ce jour. Un peu plus loin, les dessins de Victorien Sardou, de Gustave Le Goarant de Tromelin ou d’Hélène Smith finissent d’entretenir le mystère. Quand soudain…

dessin de Victorien Sardou
dessin de Victorien Sardou

Quand soudain, on nous ressort les surréalistes. Evidemment, les surréalistes ont fait un peu de tout, tant et si bien qu’on a l’impression que leur principale activité consistait en un recodage germanopratin de l’ensemble des expériences culturelles un peu marginales de leur temps. Mais il faut admettre que les bidouilleries de Desnos ou Breton ont du mal à tenir face à la force des dessins du début de l’exposition. Car finalement, c’est là qu’apparaît l’aspect fabriqué de la bande à Breton, leur côté pompier, presque. Tout mystère, une fois passé au tamis leurs fines et délicates mimines, devient une sorte de bibelot d’antiquaire un peu nigaud.

Nul doute qu’« Entrée des Médiums » est une des belles expositions de cette fin d’année : c’est si rare de découvrir des choses dans une exposition à l’ère du clonage institutionnel. Alors on excusera les dernières salles consacrées aux surréalistes qui n’apportent rien au propos de l’exposition.


[1] Crise de l’art diagnostiqué à la fin des années 1990 et rendu célèbre par l’article de Baudrillard « La Complot de l’art contemporain ». On en retrouve une interprétation partiale dans Marc Jimenez, La Querelle de l’art contemporain.

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« Entrée des Médiums »
Spiritisme et art de Hugo à Breton
18 octobre 2012 – 20 janvier 2013