L’esthétique de Jean-Luc Verna souffre probablement d’une forme d’efficacité visuelle qui fait qu’il traîne derrière lui une flopée d’enfants illégitimes copiant plus ou moins leur idole et réinjectant les formes de l’artiste dans des productions mémères dont certaines galeries parisiennes se sont fait une spécialité. Cette exploitation tend à éloigner les formes produites par Verna de leur intérêt. Grâce soit rendue au MacVal qui permet avec « – Vous n’êtes pas un peu trop maquillé. – Non » de pouvoir réévaluer l’œuvre de Verna à l’aune d’une exposition monographique dense et généreuse.
Le premier tour de force de l’exposition réside dans le fait d’être parvenu à montrer des œuvres intimistes — des petites histoires — en exposition cohérente. La où par exemple Pierre Ardouvin n’était pas parvenu à prendre en compte l’espace du MacVal, Jean-Luc Verna et le commissaire d’exposition Frank Lamy parviennent à créer une narration pour le moins captivante.
Avec « – Vous n’êtes pas un peu trop maquillé. – Non » Verna déploie sa capacité à créer une narration antéchronologique en s’émancipant du psychologisme ou du déterminisme qui présidé habituellement à cette forme. On pénètre dans l’unique espace d’exposition aux murs tapissés de dessins de l’artiste accrochés de manière relativement classique, sans fioritures, sans astuces scénographiques qui viendraient parasiter les œuvres déjà extrêmement denses. On commence donc par les productions les plus récentes pour remonter le temps vers les premiers travaux alors que Jean-Luc Verna était encore étudiant. Pour quiconque connait déjà le travail de l’artiste, cette forme est relativement déstabilisante dans le sens où on voit s’organiser un processus débouchant sur une forme quasi statique. Reste au visiteur à s’attacher aux variations, aux évolutions, aux poses et aux ratures.

Finalement, « Vous n’êtes pas un peu trop maquillé, -Non. » se rapproche d’une forme cinématographique, elle fait penser au Citizen Kane d’Orson Welles. La quête est celle du Rosebud, d’un élément qui dans le passé — dans l’enfance ou ses affres plus ou moins fantasmés et enfouis — détermine notre addiction au manque. Le parcours se traverse avec avidité ; on ressent des nostalgies, des rages, des enchantements. Sans sombrer dans la bondieuserie, la sensation de recueillement et une forme de parcours initiatique étreignent l’espace ; sensation accentuée par le travail très fin opéré sur l’éclairage. Puis nous arrivons au dessin le plus ancien — pas vraiment dingue — qui n’annonce pas grand-chose. Juste un dessin qu’on imagine parmi d’autres, sauvé par l’artiste pour des raisons qui lui appartiennent. Ce premier dessin qui devient le dernier n’est pas le rosebud, comme chez Welles il reste à visionner un dernier plan, une vision après dernière. Le bouton de rose c’est ce dernier recoin lové entre l’entrée et la sortie, un « bonus » ou un enfer, c’est selon. Et c’est probablement ici que trône solennellement le rosebud de Jean-Luc Verna, un dessin sur bois représentant un enfant nu de profil dont le sexe est esquissé par une marque du doigt(Virgule, 2011). Le petit garçon a chaussé les chaussures de maman, il regarde le hors-champ du tableau où est accroché une guirlande baroque composée de fanfreluches, de lumières et de gris-gris, de la vie, de la mort et des paillettes… et il bande ce qu’il peu bander.
